Née en 1949, Carole Fréchette est québécoise
et vit à Montréal. Après une formation de comédienne
à l’École Nationale de Théâtre du Canada,
elle fait partie du Théâtre des Cuisines comme comédienne
et auteure jusqu’au tournant des années 1980. Parallèlement,
elle touche à plusieurs facettes de l’activité théâtrale
: enseignement, organisation de festivals, critique, service théâtre
du Conseil des Arts du Canada, animation de plusieurs ateliers…
Elle complète en 1986 une maîtrise en art dramatique
à l’Université du Québec à Montréal.
Elle se consacre à l’écriture depuis une dizaine
d’années. Ses pièces, traduites en plusieurs langues,
sont jouées dans de nombreux pays notamment au Canada, en France,
en Belgique, au Mexique, au Liban, en Syrie et en Allemagne. Elle a
été en résidence à Paris au Théâtre
Artistic Athévains et au Théâtre Gérard Philipe-Centre
Dramatique National de Saint-Denis en 1997 et 1998. Elle
a reçu en 2002 le Prix de la Francophonie de la SACD et,
au Canada, le Prix Siminovitch du Théâtre.
De
quoi avez-vous besoin pour écrire ? D’abord
un cahier Clairefontaine ligné (surtout pas quadrillé)
et un stylo feutre (à l’encre noire, impérativement)
et du silence. Plus tard, lorsque le projet prend forme,
mon ordinateur portable et encore du silence.
À
quoi ressemble votre bureau ? Exigu et encombré,
avec une porte vitrée donnant sur un petit balcon.
Je rêve d’une table immense devant une fenêtre
immense donnant sur un arbre immense.
Où
notez-vous tout ce qui vous traverse la tête ?
Je ne note pas tout ce qui me traverse la tête. Loin
de là ! Je n’écris pas forcément
tous les jours mais quand je le fais, c’est toujours
dans le Clairefontaine ligné. J’y couche mes
réflexions, mes notes autour d’un projet, les
premières ébauches de la pièce en cours.
J’inscris chaque fois la date, pour pouvoir m’y
retrouver.
Quelle
est votre heure préférée pour écrire
? Le matin, de 9 heures à 13 heures. L’après-midi,
s’il le faut. Jamais le soir.
À
quel rythme écrivez-vous ? Très, très
lentement. Tous mes collaborateurs vous le diront. Je ne
fais pas de premier jet approximatif sous le coup de l’impulsion.
J’avance à petits pas, je fignole, je me reprends,
et quand j’arrive au bout, en général,
la pièce est là, dans sa forme à peu
près définitive.
Comment
viennent les noms de vos personnages ? Ils s’imposent
le plus souvent d’eux-mêmes. Il m’arrive
aussi d’en essayer plusieurs jusqu’à
ce que je trouve celui qui sonne juste. Comment sais-je
qu’il sonne juste ? Mystère.
Qu’est-ce
qui a déclenché votre envie d’écrire
? Après une formation de comédienne,
j’ai participé à des expériences
de création collective (ça se faisait beaucoup,
à l’époque). Nous touchions à
tous les aspects du spectacle y compris l’écriture.
J’ai aimé tout de suite cette partie du travail
qui se faisait en solitaire. J’y ai pris goût.
Quelle
est la phrase d’un autre que vous auriez rêvé
d’écrire ? “...et alors il m’a
demandé si je voulais oui dire oui ma fleur de la
montagne et d’abord je lui ai mis mes bras autour
de lui oui et je l’ai attiré sur moi pour qu’il
sente mes seins tout parfumés oui et son cœur
battait comme fou et oui j’ai dit oui je veux bien
Oui.” Ce sont les derniers mots d’Ulysse de
James Joyce. La phrase entière, magnifique monologue
de Molly Bloom, dure plus de cinquante pages, mais ce sont
vraiment ces derniers mots qui me chavirent. Peut-on rêver
finale plus ouverte sur la vie ?
Quelle
est votre couleur préférée ?
Le bleu.
Quel
est votre verbe préféré ? Question
difficile. Je connais le verbe que je déteste le
plus : se résigner. En toute logique, je devrais
voter pour ses contraires : lutter, combattre, résister.
Mais je ne les aime pas
particulièrement. J’opterai donc pour s’abandonner,
encore un verbe pronominal, mais au lieu d’échine
pliée et mort dans l’âme, c’est
plutôt cœur tendre et bras ouverts.
Quel
est votre texte personnel préféré ?
J’ai une affection particulière pour Les Quatre
Morts de Marie à cause de l’état dans
lequel j’étais en l’écrivant.
L’impression de traverser l’océan dans
un petit bateau. Un mélange d’excitation, d’exaltation,
de peur immense, de joie incrédule quand j’ai
vu la terre au loin.
Si
vous deviez porter un autre prénom, lequel choisiriez-vous
? Anne. Mes parents ont voulu m’appeler ainsi,
puis ils ont changé d’avis au dernier
moment. Moi, j’ai toujours su que j’étais
une Anne.
Du
combien chaussez-vous ? Du sept, ce qui en France
doit faire du trentesept. Ou du trente-huit. Je ne sais
jamais. En tout cas, ça n’a pas
changé. Avec les années, on se transforme,
on augmente d’une taille ou deux, mais les pieds restent
les mêmes. C’est bien, les pieds.
BIBLIOGRAPHIE
Théâtre Actes Sud-Papiers/Leméac 2002 : Violette sur la terre 2002 : Jean et Béatrice 1999 : Les Sept jours de Simon
Labrosse 1997 : La Peau d’Élisa Actes
Sud-Papiers 1997 : Les Quatre Morts de Marie
(prix du Gouverneur général,
1995) Éditions Lansman, dans Liban, Écrits
Nomades 2 2001 : Le Collier d’Hélène
Les Herbes Rouges 1990 : Baby Blues Éditions
du Remue-ménage 1981 : As-tu vu ? Les maisons
s’emportent ! 1976 : Môman travaille pas,
a trop
d’ouvrage ! Playwrigths Canada Press 2002
: The Four Lives of Marie ;
Seven Days in the Life of Simon
Labrosse et Elisa’s Skin
Romans Éditions
de la Courte échelle 1999 : Do pour Dolorès 1996 : Carmen en fugue mineure
EXTRAIT
Jean et Béatrice BÉATRICE : Qu’est-ce
que c’est
votre nom ? JEAN : Jean. BÉATRICE :
Pour vrai. JEAN : Je m’appelle Jean, pour
vrai. Et je veux la récompense,
pour vrai. BÉATRICE : Racontez-moi votre
histoire. JEAN : J’ai pas d’histoire. BÉATRICE : Tout le monde a une
histoire. Votre père s’appelait
comment ? Votre mère s’appelait
comment ? Où ils étaient quand
ils vous ont fait ? Quel temps
il faisait quand vous êtes né ?
Moi, quand je suis née,
le médecin a dit : elle est toute
rose, mais il lui manque quelque
chose. Un peu d’humidité.
Elle a des petites roches dans
les boyaux. C’est pas grave. Ça va passer. Et vous,
qu’est-ce
qu’il vous a dit, le médecin,
quand vous êtes né ? JEAN : Il a dit : c’est
un garçon
et ses boyaux sont complètement
vides. Félicitations ! Maintenant
ça suffit. Donnez-moi l’argent.
EN PRÉSENCE DE CAROLE FRÉCHETTE AUTOUR DE JEAN ET BÉATRICE Débat public avec l’équipe du spectacle, jeudi
4/12 à l’issue de la représentation. Rencontre, samedi 6/12 à 15h, bibliothèque Saint-Fargeau. Carnet d’auteur de Carole Fréchette, samedi 6/12 à
l’issue de la représentation. À la maison des écrivains, rentrée québécoise.
Dans le cadre de “Un lundi, un auteur” :
Carole Fréchette présentée par Gilbert David lundi
8/12 de 19h à 21h (avec Aux Nouvelles Écritures Théâtrales).